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Sciences

Des ossements au Danemark racontent une féroce bataille il y a 2.000 ans

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Quatre os de bassins assemblés sur un bâton, une des nombreuses découvertes d'ossements sur le site danois d'Alken Enge. On ignore la signification de cet assemblage macabre
Quatre os de bassins assemblés sur un bâton, une des nombreuses découvertes d'ossements sur le site danois d'Alken Enge. On ignore la signification de cet assemblage macabre
Aarhus University at Alken Enge/AFP - Peter JENSEN

Des milliers de fragments d'os de garçons et d'hommes tués dans de féroces combats il y a 2.000 ans ont été découverts dans une tourbière du Danemark, offrant une plongée dans les modes et coutumes de guerre des peuples germaniques d'alors, vus comme des "barbares" par les Romains.

Il n'existe pas de trace écrite de cette bataille, et on ne sait pas où elle s'est déroulée. Les experts, qui ont publié les résultats de leurs recherches lundi dans une revue scientifique américaine, Proceedings of the National Academy of Sciences, ont déterré d'une zone de prairies humides et de lacs de 75 hectares, un vaste échantillon d'os d'hommes visiblement tués violemment, puis jetés dans la tourbière au bout de plusieurs mois --certains apparemment recyclés en trophées.

Quatre os de bassins ont ainsi été retrouvés, assemblés ensemble sur un bâton, un mystérieux rituel post-bataille.

Au total, les ossements d'au moins 82 personnes ont été retrouvés à Alken Enge, sur la péninsule danoise du Jutland, lors de travaux archéologiques menés de 2009 à 2014.

C'est la plus ancienne découverte d'un "grand contingent de combattants d'une armée vaincue au premier siècle de notre ère", annoncent les chercheurs.

- Bien conservés -

"Les ossements sont extrêmement bien conservés", dit à l'AFP Mette Løvschal, du département d'archéologie de l'Université d'Aarhus.

"On y voit des choses qu'on ne voit pas normalement, comme des marques de morsures d'animaux, ou encore les traces de coups d'armes tranchantes. C'est très rare", ajoute-t-elle.

Les archéologues ont retrouvé plus de 2.300 ossements, enfouis dans la tourbe et des sédiments de lacs. Le datage au carbone les situe entre -2 ans avant Jésus Christ et l'an 54 de notre ère.

A cette époque, les armées romaines envahissaient le nord de l'Europe. En l'an 7, les Romains ont subi une grave défaite dans laquelle des dizaines de milliers de soldats ont été tués par les tribus germaniques.

"Dans les années suivantes, ils ont donc lancé des raids militaires en Germanie, pour punir les barbares après cette énorme défaite", explique Mette Løvschal.

"Nous pensons que les restes que nous avons découverts sont le résultat d'une de ces expéditions punitives".

- Festin pour les loups -

Les os semblent provenir d'une population relativement hétérogène, poursuit la chercheuse, certains ayant 13 ou 14 ans, et d'autres ayant entre 40 et 60 ans. Il est estimé qu'environ 380 hommes sont morts au combat sur place.

"Ils ne semblent pas avoir beaucoup de traumatismes précédemment soignés", dit Mette Løvschal. "Il est possible qu'ils n'aient pas eu d'expérience du combat auparavant".

Leurs ossements témoignent de la manière dont les corps à corps se déroulaient. Les coups des armes se voient principalement sur leur côté droit. Les blessures sont rarement sur le milieu du corps, peut-être parce que les guerriers portaient un bouclier, avec leur bras gauche.

Les cadavres sont sans doute restés plusieurs mois sur le champ de bataille (non trouvé, à ce jour), jusqu'à six mois ou un an, car leurs os sont marqués par des morsures de loups ou de chiens. C'est ensuite qu'ils ont été jetés dans la tourbière.

Et on leur avait retiré leurs effets personnels avant de les abandonner.

- Nombreux mystères -

Une telle reconstitution est forcément partielle. Nombre de questions restent sans réponse: qui s'est battu exactement ce jour-là? S'agissait-il vraiment d'une expédition punitive romaine? Ou bien d'un conflit entre deux tribus locales?

Et quel est le sens de ces os de bassins enfilés sur un bâton?

"Ces quatre bassins sur un bâton pourraient presque avoir une connotation d'humiliation sexuelle", suggère Mette Løvschal. "Il y a un côté très agressif aussi. C'est très difficile de savoir qui l'a fait".

Les archéologues ont également découvert un changement révélateur dans la géographie après la bataille.

La zone avait longtemps été recouverte de cultures, de prés et de forêts. Mais au cours des 800 années suivantes, elle devint une forêt très dense.

"Cela en dit long sur l'énorme impact de cet événement sur les gens qui vivaient là", dit Mette Løvschal. "La population locale a été traumatisée".

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