Partager
Santé

Scandale de l'amiante : vers des non-lieux dans une vingtaine de dossiers

Après 20 ans d'enquête, coup de théâtre dans le scandale de l'amiante : le parquet de Paris considère qu'il est impossible de déterminer avec certitude quand les victimes ont été intoxiquées. Cette décision pourrait ouvrir la voie à des non-lieux dans une vingtaine de dossiers.

réagir

C'est un coup de tonnerre dans le scandale de l'amiante: après 20 ans d'enquête, le parquet demande la fin des investigations dans plusieurs enquêtes pénales, une décision qui pourrait ouvrir la voie à des non-lieux dans une vingtaine de dossiers. Rappel des faits : en 1996, des anciens salariés d'Eternit, plus gros producteur d'amiante jusqu'en 1997 (date d'interdiction de l'amiante), déposent une plainte pour homicides et blessures involontaires. Plusieurs autres usines et le campus de l'Université Pierre et Marie Curie à Jussieu suivent. C'est le début d'une saga dont voici le dernier coup de théâtre en date : le 13 juin 2017, le parquet de Paris déclare qu'il est impossible de déterminer avec certitude quand les victimes ont été intoxiquées.

"Le diagnostic d'une pathologie liée à l'amiante fait la preuve de l'intoxication, mais ne permet pas de dater l'exposition ni la contamination", a estimé le 13 juin 2017 le parquet de Paris dans ses réquisitions dévoilées par Le Monde et dont l'AFP a eu connaissance. Une analyse qui s’aligne sur celle défendue par les juges d'instruction chargés de ces dossiers: les magistrats ont estimé, dans une ordonnance rendue le 9 juin, que "cet aléa dans la date des faits ne pourra pas permettre de conduire des investigations ciblées et efficaces de nature à réunir des charges qui pourraient être imputées à quiconque". En clair, qu'ils ne pouvaient présenter d'éléments suffisamment précis pour justifier un renvoi des protagonistes devant les tribunaux.

Une décision historique

"C'est un scandale absolu d'arriver à une telle conclusion après 20 ans d'instruction", s'est indigné François Desriaux, porte-parole de l’Andeva (Association nationale de défense des victimes de l’amiante). Le parquet et les magistrats instructeurs appuient leur analyse sur une expertise judiciaire diligentée en 2016 afin d'établir les liens entre la fibre cancérogène, interdite en France depuis 1997, et certaines maladies. Rendue au début de l'année, "cette expertise dit le contraire de ce que la justice veut aujourd'hui lui faire dire", a estimé Me Sylvie Topaloff, l’un des conseils de l’Andeva. "Selon les experts, dès que l'on a été exposé, on a été contaminé. C'est aberrant que les magistrats aient une lecture diamétralement opposée", a-t-elle ajouté. A ses yeux, la portée de cette décision du parquet est "historique" car elle signifie qu'"aucun responsable qui expose ses salariés à un produit cancérogène ne peut être poursuivi vu que l'on ne connaît jamais la date précise d'une contamination". L'Andeva fera "immédiatement appel lorsque les ordonnances de non-lieu seront prononcées", a annoncé François Desriaux. 

Précédent italien

L'affaire a un précédent italien : en février 2012, Stephan Schmidheiny, ancien propriétaire du groupe suisse Eternit, et Jean-Louis de Cartier de Marchienne, ancien actionnaire et administrateur de la société, ont été considérés responsables de la mort de près de 3.000 personnes en Italie, après un procès historique sur l'amiante. Condamnés à 16 ans de prison et au versement de dizaines de millions d'euros aux parties civiles, la Cour Suprême italienne avait ensuite cassé la décision concernant Stephan Schmidheiny en 2014. Si elle a bien reconnu un lien de cause à effet entre les infections pleurales développées par les victimes et les conditions de travail, elle a cependant estimé que les faits devaient être prescrits. 

Selon l'Andeva, 3.000 personnes meurent de l'exposition à l'amiante chaque année. Les poussières d'amiante se déposent dans les poumons et épaississent le tissu pulmonaire (voir infographie). Les effets ne sont pas immédiats : une personne exposée peut contracter une asbestose -une fibrose pulmonaire- après quelques années, ou un cancer après vingt à quarante ans. 

Commenter Commenter
à la une cette semaine

Centre de préférence
de vos alertes infos

Vos préférences ont bien été enregistrées.

Si vous souhaitez modifier vos centres d'intérêt, vous pouvez à tout moment cliquer sur le lien Notifications, présent en pied de toutes les pages du site.

Vous vous êtes inscrit pour recevoir l’actualité en direct, qu’est-ce qui vous intéresse?

Je souhaite recevoir toutes les alertes infos de la rédaction de Sciences et Avenir

Je souhaite recevoir uniquement les alertes infos parmi les thématiques suivantes :

Santé
Nature
Archéo
Espace
Animaux
Je ne souhaite plus recevoir de notifications