Partager
Santé

Lou Cigalou, une maison de retraite pour handicapés mentaux

réagir
Un pensionnaire de la maison de retraite Lou Cigalou, atteint d'un handicap mental, tient la main d'un aidant, le 13 mars 2018
Un pensionnaire de la maison de retraite Lou Cigalou, atteint d'un handicap mental, tient la main d'un aidant, le 13 mars 2018
AFP/Archives - ANNE-CHRISTINE POUJOULAT

"J'étais trop fatigué, je ne pouvais plus travailler, mais ici je me sens bien": à 51 ans, Jean-Jacques fait partie des résidents de Lou Cigalou, un établissement des Alpes-de-Haute-Provence qui accueille des personnes vieillissantes atteintes d'un handicap mental, une structure encore rare en France.

Après plusieurs années passées à travailler au conditionnement de colis dans un établissement spécialisé, Jean-Jacques qui souffre depuis l'enfance d'un retard mental n'arrivait plus à tenir la cadence. Depuis janvier, le jeune retraité occupe l'une des dix places de l'unité spécialisée pour les personnes atteintes d'un handicap mental ou de pathologies psychiatriques, récemment créée au sein de ce classique Établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) des Mées, à une trentaine de kilomètres de Manosque.

"Une personne handicapée vieillit beaucoup plus rapidement et ne peut pas attendre d'avoir l'âge pour rentrer dans une maison de retraite qui, d'ailleurs, ne lui est pas forcément adaptée car elle est encore très mobile, contrairement aux autres pensionnaires", souligne l'aide médico-psychologique de la résidence, Martine Michel.

Mme Michel, qui a longtemps exercé auprès d'handicapés dans des centres de travail spécialisés tels que des Établissements et services d'aide par le travail (Esat), a vu trop souvent des personnes handicapées mentales "mises de côté car on ne savait pas quoi en faire ou envoyées dans des hôpitaux psychiatriques où elles n'avaient pas leur place".

Jean-Jacques, 51 ans, photographié le 13 mars 2018, fait partie des résidents de Lou Cigalou, un établissement des Alpes-de-Haute-Provence qui accueille des personnes vieillissantes atteintes d'un handicap mental (AFP/Archives - ANNE-CHRISTINE POUJOULAT)
Jean-Jacques, 51 ans, photographié le 13 mars 2018, fait partie des résidents de Lou Cigalou, un établissement des Alpes-de-Haute-Provence qui accueille des personnes vieillissantes atteintes d'un handicap mental (AFP/Archives - ANNE-CHRISTINE POUJOULAT)

Dans sa chambre où trône dans une vitrine sa collection de boules à neige et un globe terrestre lumineux, Jean-Jacques, fervent lecteur des livres de Stéphane Bern, reconnaît qu'à son arrivée, "à cause du changement, c'était difficile". "Je pleurais, je ne me lavais plus, je voulais voir personne", témoigne l'homme aux yeux clairs, aujourd'hui "très content" de sa nouvelle vie.

Atelier peinture, jeux de société, sorties au marché, Jean-Jacques se sent "bien et libre" lorsqu'il va boire un café sur la place du bourg.

"Nous respectons le principe de base de la loi handicap de 2005 qui prône l'inclusion dans la vie ordinaire et c'est sans doute ce qui explique que leur intégration se passe bien", estime Hélène Brun, la directrice de l'établissement, le seul de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur abritant une telle unité.

- "Dix places, c'est très peu!" -

Nouria, 58 ans, décore une vitre de la salle de vie de la maison de retraite
Nouria, 58 ans, décore une vitre de la salle de vie de la maison de retraite "Lou Cigalou" à Les Mées, près de Manosque, le 13 mars 2018 (AFP/Archives - ANNE-CHRISTINE POUJOULAT)

Côtoyer les quelque 60 personnes âgées qui sont au bout du couloir ravit d'ailleurs Nouria, une autre pensionnaire. "On chante des chansons de leur vieux temps, ils sont contents, on rigole", insiste cette femme de 58 ans qui s'apprête à peindre un bateau sur la mer pour égayer les vitres de la salle de vie de la maison de retraite.

Avec l'âge, elle a dû elle aussi quitter son foyer pour rejoindre une première institution plus proche de chez sa sœur mais elle "ne s'y sentait pas bien". "On ne pouvait pas sortir comme ici", témoigne la dynamique retraitée à qui "ça tournait l'esprit de ne pas savoir où elle irait" après sa malheureuse expérience.

"Avant, il y avait peu de personnes handicapées qui vivaient aussi âgées, mais aujourd'hui elles bénéficient, comme tous, des progrès de la médecine et le besoin se fait ressentir de trouver une sortie après le foyer" où les places sont aussi très attendues par les familles, explique Mme Brun, la directrice. "Or on mesure qu’il y a assez peu de débouchés aujourd'hui", poursuit-elle.

"Dix places c'est très peu!", déplore à ses côtés Martine Michel qui espère voir ce genre de dispositif se multiplier dans un contexte pourtant peu propice marqué par des mouvements de protestation des personnels dans les Ehpad. "Le vieillissement des personnes handicapées n'est pas encore trop rentré dans les mentalités d'une société où leur place n'est déjà pas évidente", dit-elle de sa voix douce.

"On ne se pose pas la question de ce qu'ils deviennent quand ils perdent leurs parents", poursuit-elle, évoquant une inquiétude majeure des familles concernées.

Commenter Commenter
à la une cette semaine

Centre de préférence
de vos alertes infos

Vos préférences ont bien été enregistrées.

Si vous souhaitez modifier vos centres d'intérêt, vous pouvez à tout moment cliquer sur le lien Notifications, présent en pied de toutes les pages du site.

Vous vous êtes inscrit pour recevoir l’actualité en direct, qu’est-ce qui vous intéresse?

Je souhaite recevoir toutes les alertes infos de la rédaction de Sciences et Avenir

Je souhaite recevoir uniquement les alertes infos parmi les thématiques suivantes :

Santé
Nature
Archéo
Espace
Animaux
Je ne souhaite plus recevoir de notifications