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Nature & environnement

Au nord de la Jordanie, l'eau rare et chère avec l'afflux des réfugiés syriens

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Vue d'une partie du canal King Abdallah, le 12 mars 2018 près du barrage de Wadi al-Arab, en Jordanie
Vue d'une partie du canal King Abdallah, le 12 mars 2018 près du barrage de Wadi al-Arab, en Jordanie
AFP - AHMAD ABDO

"Bien sûr que ça a empiré avec l'arrivée des Syriens", lâche Atalla Moussa. Dans le nord de la Jordanie, qui accueille des centaines de milliers de réfugiés fuyant la guerre en Syrie, l'eau est encore plus rare qu'avant.

"Il n'y avait déjà pas d'eau au départ, et les choses se sont aggravées. L'eau ne vient qu'une fois par semaine, pour seulement une ou deux heures. Et elle est devenue plus chère", souligne ce Jordanien de 42 ans.

Il la partage pourtant avec son locataire Khaled al-Khlif, un réfugié syrien de 45 ans réchappé d'Alep avec sa femme Ikhlass et ses huit enfants, âgés de 15 à 2 ans.

Entre deux livraisons, le précieux liquide est stocké dans trois réservoirs métalliques qui miroitent au soleil sur le toit de sa maison en béton de trois étages, à Nuaimah, dans la banlieue d'Irbid.

Située à 30 kilomètres de la frontière avec la Syrie, la deuxième ville de Jordanie a vu sa population gonfler depuis 2011, au fil des combats et destructions qui ont poussé au départ des milliers de civils syriens.

Quelque 650.000 réfugiés sont officiellement enregistrés auprès du Haut commissariat de l'ONU aux réfugiés (HCR) en Jordanie. Mais les autorités jordaniennes évaluent leur nombre à plus d'un million, 15% de la population.

"La région d'Irbid est celle qui accueille le plus de réfugiés syriens et 80% d'entre eux vivent avec la population jordanienne" et non dans des camps, explique Arnaud Phipps, directeur régional d'Action contre la faim (ACF).

La famille al-Khlif est ainsi installée depuis un an et demi au rez-de-chaussée de la maison des Moussa. Trois pièces sombres aux murs chaulés de blanc où l'humidité perce malgré les couvertures qui tapissent le sol, une cuisine, une salle de douche.

"On paye 100 dinars jordaniens par mois, eau comprise", raconte Khaled, entouré de sa femme et de cinq de ses enfants. De santé fragile, cet ancien agriculteur ne peut plus travailler et ses revenus sont limités aux 225 dinars d'aide du HCR et de l'Unicef qu'il touche chaque mois.

- Tensions -

Projet mer Rouge - mer Morte (AFP - Sophie RAMIS)
Projet mer Rouge - mer Morte (AFP - Sophie RAMIS)

Si la tradition d'hospitalité reste forte en Jordanie, qui a déjà accueilli deux vagues de réfugiés palestiniens en 1948 et 1967 puis des Irakiens dans les années 90, ce nouvel afflux suscite des frictions. Largement désertique, le pays est l'un des plus arides au monde, et l'eau y est sévèrement rationnée.

"La demande en eau a augmenté de 40% dans les gouvernorats du nord d'Irbid et de Mafraq. Nous étions déjà en crise en raison de la raréfaction des ressources, l'afflux de réfugiés a ajouté une crise à la crise", explique Iyad Dahiyat, secrétaire général de l'Autorité jordanienne de l'eau.

"La situation économique est compliquée, avec un fort taux de chômage, des augmentations de prix. Il y a des tensions dues à la perception par la population que la situation du pays se dégrade", observe Arnaud Phipps, d'ACF.

Pour répondre à la pénurie, le gouvernement a lancé plusieurs projets d'infrastructures, notamment une usine de traitement d'eau, baptisée Wadi Arab II. D'un coût de 120 millions de dollars, le vaste chantier, encore hérissé de grues, est financé par des prêts de l'Agence française de développement (AFD) et de la Banque européenne d'investissement (BEI).

A partir du printemps 2019, l'eau sera puisée dans le King Abdallah canal, qui serpente le long du fleuve Jourdain, puis traitée avant d'être envoyée par un pipeline de 26 kilomètres jusqu'à Irbid, explique Bilal Sharif, qui supervise le projet pour l'Autorité jordanienne de l'eau.

"Cela va permettre d'augmenter de 40% la disponibilité de l'eau à Irbid", ajoute-t-il.

Les autorités tentent aussi de limiter le gaspillage, en colmatant les fuites dans le réseau ou en traquant puits et branchements sauvages.

Et pour apaiser les tensions, ACF et le Norwegian refugee council (NRC) ont lancé dans la région d'Irbid un projet soutenu par la France et l'Union européenne, afin d'améliorer l'accès à l'eau des ménages les plus vulnérables, qu'ils soient Syriens ou Jordaniens.

Certains ont été connectés au réseau, d'autres ont reçu de nouveaux équipements: un chauffe-eau électrique pour la famille al-Khlif et un nouveau réservoir, qui profite aussi au propriétaire jordanien des lieux.

"Maintenant, nous pouvons tous nous doucher deux fois par semaine", se réjouit Khaled al-Khlif.

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