"Il est venu le temps des cathédrales, le monde est entré dans un nouveau millénaire". On connaît la chanson : mais qui aurait pu prédire, à l'époque de Victor Hugo, l'irruption contemporaine de la réalité virtuelle ou du son binaural ? Car l'immersion passe autant par les yeux que par les oreilles, les artistes comme les chercheurs l'ont bien compris. Ainsi est né Ghost Orchestra, projet conjoint du CNRS et du Conservatoire de Paris (CNSMDP). L'enjeu : reconstituer les caractéristiques sonores de la cathédrale, au-delà de la seule géométrie des lieux. Le résultat peut s'écouter dans la vidéo ci-dessus. Une prouesse rendue possible par une captation sonore ultra-précise réalisée à l'occasion d'un concert donné par le Conservatoire de Paris.
En réalité virtuelle, l'immersion passe aussi par le son
Afin de réaliser des enregistrements du concert capables de restituer correctement le son dans l'espace, des microphones ultra-précis permettant d'enregistrer 45 voies simultanées à 360° ont été utilisés. Des mesures préalables ont aussi été faites afin de construire un modèle acoustique détaillé pour le lieu (clarté du son, réverbération ...). De quoi transformer le son de façon interactive (et réaliste) selon un cheminement en réalité virtuelle dans une cathédrale numérique !
SONS&IMAGES."Le son 3D est aujourd'hui un sujet d'intérêt majeur pour la réalité virtuelle, aussi bien pour les chercheurs que pour les industriel, indique Brian Katz, directeur de recherche au CNRS et principal instigateur du projet. À cet égard, "les interactions multimodales, c'est à dire l'équilibre entre perceptions visuelles et auditive sont primordiales afin de conférer la sensation d'immersion" et de se représenter convenablement son corps dans un espace virtuel.
Un nouveau champ à la croisée des disciplines scientifiques
C'est ce même principe qui est exploité pour le son binaural, où la personnalisation du son est poussée encore plus loin : la forme du crâne (et ses effets acoustiques dans la perception auditive) ou la forme des oreilles sont par exemple prises en compte. L'objectif est de restituer un son le plus proche possible d'une écoute directe. "La spatialisation du son est pour moi un domaine à la frontière de l'acoustique théorique, de la psycho-acoustique, des sciences de la perception et de la cognition et enfin du traitement du signal", s'enthousiasme Brian Katz.
Même sans écouteurs binauraux, vous pouvez en tout cas vous faire une idée de l'enregistrement initial du concert... et de sa reconstitution au travers du modèle acoustique. Cette approche a d'autres applications concrètes, de la 3D au son... mais aussi réciproquement : elle a par exemple permis de reconstituer une salle de concert détruite par un incendie à Montreux pendant un concert de Frank Zappa, grâce à un enregistrement d'un concert qui y fut donné avant sa destruction, ainsi que nous vous l'expliquons dans notre numéro 845 de juillet 2017.