APB est mort, vive Parcoursup ? Ce système informatique chargé de l'affectation automatique des bacheliers dans les filières de l'enseignement supérieur devait remplacer APB (Admission Post-Bac), très décrié pour certains choix jugés incompréhensibles. La nouvelle version du logiciel enverra dès le mardi 22 mai 2018 au soir les premiers résultats d'affectation aux futurs étudiants de l'enseignement supérieur. C'est la veille, le 21 mai 2018, que Frédérique Vidal et Mounir Mahjoubi, respectivement ministre de l'Enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation et secrétaire d'État en charge du Numérique, ont décidé la publication du code source de l'algorithme de sélection.
Une promesse d'abord prononcée par président Emmanuel Macron fin mars 2018 à l'occasion de la remise du rapport Villani sur l'intelligence artificielle... mais qui a tardé à se concrétiser. Même si le gouvernement s'est réjoui dans un communiqué d'avoir rendu accessible le code "avec plus de trois mois d’avance sur la date limite fixée par la loi du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants." En effet, le site spécialisé Nextinpact déplorait fin avril l'absence de réponse de l'exécutif à ses demandes de publication du code, ce qui a conduit le site à saisir finalement la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA), laquelle disposait d'un délai d'un mois pour répondre. Lien de cause à effet ? Le code source a finalement été mis en ligne sur un dépôt framagit à cette adresse, et s'accompagne d'une notice explicative.
[?Communiqué] #Parcoursup : publication du code informatique des algorithmeshttps://t.co/m9SyqnivkZ pic.twitter.com/tGUNtwkG7E
— Frédérique Vidal (@VidalFrederique) 21 mai 2018
Plus de classement direct des étudiants
Que contiennent les fichiers mis en ligne par le gouvernement ? Le détail des procédures PL/SQL utilisées pour manipuler la base de données des lycéens, la source des programme codé en Java pour permettre le calcul de l'ordre d'appel, des propositions de formations (pour les candidats retenus) et d'hébergement en internat pour chaque lycéen. Un jargon qu'il faut d'abord décrypter pour comprendre ce que fait Parcoursup. Par exemple, "l'ordre d'appel" représente l'ordre dans lequel les différentes propositions d'admission sont envoyées aux candidats. À quoi ça sert ? Il garantit, quel que soit le rang du dernier appelé, qu'un pourcentage minimal de boursiers est assuré dans les effectifs des formations non sélectives (ce chiffre est renseigné par les recteurs), comme l'explique une fiche thématique Parcoursup.
PAS DE CLASSEMENT. Autrement dit, l'algorithme de Parcoursup, contrairement à celui d'APB, ne procède pas au classement direct des candidats. Mais détermine l'ordre dans lequel leur seront présentées les propositions d'admission des établissements indiqués dans leurs vœux, lesquels ne sont plus hiérarchisés. Car avec Parcoursup, les candidats ne recevront qu'une proposition à la fois. À laquelle ils doivent obligatoirement répondre par oui ou non dans un délai de quelques jours, sous peine de perdre le bénéfice de toutes les propositions d'admission déjà reçues. Résultat : un gigantesque chassé-croisé du calendrier sur les mois d'été, que le site Studyrama a résumé en un tableau.
Opacité sur les algorithmes utilisés par les établissements pour trier les dossiers
Si le code de parcoursup est plus complet que ce qui a jusqu'à présent été publié sur son prédécesseur APB, les informations mises en ligne n'éclairent toutefois pas sur les techniques et critères précis utilisés par chaque université pour trier les dossiers. Le gouvernement a en effet déposé des amendements, lors du vote de la loi relative à la protection des données personnelles, mi mai 2018, pour que les universités n’aient pas à dévoiler les "algorithmes locaux" utilisés pour assurer la cohérence entre le profil du candidat et les attendus de la formation demandée. Si le gouvernement voit dans cette décision une façon de maintenir le principe du "secret des délibérations" contre une publicité qui "fragiliserait le rôle des équipes pédagogiques", certains n'hésitent pas à les qualifier de "boîtes noires".
RGPD. Ce "secret des délibérations" pourrait toutefois être mis à mal par l'entrée en vigueur, le 25 mai 2018, par le Règlement général sur la protection des données (RGPD). Car si les universités ne sont pas tenues de respecter la loi pour une République numérique (votée en 2016), qui impose aux administrations de rendre public le détail des règles de leurs programmes informatiques, aucune dérogation au RGPD n'est pour l'instant prévue. Si un étudiant en vient à saisir la CNIL, les universités pourraient être contraintes à plus de transparence sur leurs méthodes.