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Télé / Cinéma

Comment Youssef, Désirée et Nabil sauvent les cèdres du Liban

Le documentaire "La Bataille du cèdre" est diffusé mercredi 27 mars sur Ushuaia TV à 20H40. Il raconte le combat d'une poignée de Libanais qui veulent replanter en nombre l'arbre symbole de leur pays. La critique de Sciences et Avenir.

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Une image extraite du documentaire "La Bataille du cèdre".

Une image extraite du documentaire "La Bataille du cèdre".

© Kami productions

TELE. La Bataille du cèdre raconte l’aventure extraordinaire de quelques habitants du village de Bécharré au Nord-Liban qui oeuvrent depuis trente ans à la renaissance des forêts de cèdres dans leur pays. Ce documentaire est diffusé mercredi 27 mars 2019 à 20H40 sur Ushuaïa TV (co-production Kami Productions et Ushuaïa TV). Sciences et Avenir l'a vu en avant-première : notre critique.

Ceci n'est pas un conte, mais ça y ressemble furieusement. Il était une fois dans la vallée de Qadisha près du village de Bécharré, au nord-Liban, un médecin prénommé Youssef qui vouait un amour sans bornes à une petite mais magnifique forêt résiduelle. Une forêt de cèdres millénaires tous plus majestueux les uns que les autres. Et ce que Youssef ne supportait pas, c'était de savoir que les montagnes alentour, aujourd'hui grandes étendues d'herbe verte, en avaient été, jadis, entièrement peuplées. Cet arbre, comme chacun sait, n'est pas n'importe lequel, mais un symbole même du pays, dressé au cœur de son drapeau aux bandes blanche et rouges.

Reste que, depuis l’Antiquité et la Phénicie, des navires ont été construits, des maisons bâties... et que les troncs, capables comme ici de s'élever à 40 m de haut et d'atteindre 13 m de circonférence, étaient prêts à être utilisés. La hache a fait son œuvre. Or voilà qu'un jour, dans les années 1990, la « forêt des cèdres de Dieu » - on l'appelle aussi comme cela dans ces lieux chargés d'histoire - a parlé à Youssef Tawk. Et lui a dit : "Essaye de me sauver, de m'agrandir". Depuis, il n'a eu de cesse, pioche en main, de semer des graines de cèdres alors qu'alentour, la plupart des habitants s'intéressent en priorité aux arbres de rapport, qui peuvent donner des fruits. Pour cet homme, en revanche, comme le film le fait découvrir, le cèdre est devenu synonyme d'une lutte à vie. Une lutte pour la vie. Une évidence dans l'esprit de ce médecin pour qui "la santé des hommes et celle de la nature sont liées".

Un documentaire, façon conte merveilleux

Cette histoire, Laurent Sorcelle, le réalisateur du documentaire "La bataille du cèdre", l'avait déjà abordée il y a plusieurs années. Elle est revenue le hanter, et pour en avoir le cœur net, il a repris contacts et caméras, et embarqué sa co-réalisatrice Cécile Favier, direction Wadi Qadisha. Il n'a pas été déçu, et les spectatrices et spectateurs ne le seront pas non plus. Outre les images de paysages grandioses, villages perchés près de falaises à pic, cascades entre les rochers, monastères accrochés au flanc de la montagne, grottes dans les pierrailles, le récit du sauvetage des Cedrus libani dans la "Vallée sainte" tient en effet quelque peu du miracle. Grâce à la persévérance de Youssef Tawk, le pionnier du reboisement, sûrement. Mais aussi avec la survenue, au fil des années, de deux sortes d'anges gardiens : l'une, Désirée Sadek, journaliste et écrivaine (1) ; l'autre, Nabil Semaan, conseiller d'un milliardaire mexicain d'origine libanaise, Alfredo Harp Selu (cousin du mondialement connu Carlos Slim, ayant racheté le New York Times), amoureux de la nature et désireux, via sa fondation, d'aider au reboisement du pays de ses ancêtres.

Une image extraite du documentaire "La Bataille du cèdre". Crédit Kami Productions.

Façon conte merveilleux, Laurent Sorcelle a pris le parti de narrer leur engagement, qui rend toute l'entreprise extrêmement attachante. On comprend ainsi que la journaliste se réfugia à Bécharré dont elle est originaire, quand Beyrouth fut bombardée : "J'ai cru que c'était un éclair et c'était une bombe", dit-elle, filmée dans la « maison jaune », ruine imposante témoin de guerre, restée en l’état dans la capitale. Dans la vallée de Qadisha, la majesté des arbres l'a saisie, comme une révélation. Elle évoque à l'écran une "sérénité de la vérité". Elle décidera plus tard de "préparer le jardin de ses parents de façon à créer une pépinière".

Mieux vaut en effet (re)planter des arbres de deux ans d'âge, plus prompts que de simples graines à s'enraciner puis grandir, ont fini par comprendre tous ceux qui se sont mis en tête de replanter ces symboles. En fin des années 1990, "les cèdres mouraient tous", se souvient Youssef qui, pourtant, n’a pas renoncé. Quant à la journaliste-écrivaine, il lui vint une très belle idée : inventer un conte dont le héros baptisé Nabil (anagramme inversé du mot Liban) est habité par ce désir de faire renaître les forêts de cèdres. Les enfants de toutes les écoles sont conviés à lire l’histoire puis à la dessiner. Désirée se retrouve à la tête d’un "énorme trésor de 15.000 dessins", les plus inspirants seront reproduits dans le livre titré "L'enfant des cèdres" (3), dont les bénéfices permettront de poursuivre le sauvetage.

Le livre "Les enfants des cèdres". Crédit Dominique Leglu.

Du cèdre au genévrier

Quand, un jour, débarque sur les lieux le conseiller Nabil Semaan, annonçant que le "meilleur cadeau (selon Alfredo Harp Selu) est de reboiser ces sommets arides", avec l'intention d'en "planter 20.000 ou 30.000", Youssef n’en croira pas ses oreilles. Alertée par téléphone à Beyrouth, Désirée croira le médecin quelque peu dérangé lorsqu’il lui affirme que "Nabil est revenu"… La réalité (de Nabil Semaan) aura dépassé la fiction (de Nabil, l’enfant du conte) !

Depuis, une immense pépinière high-tech a été élaborée, où les petits plants peuvent être convenablement arrosés grâce à l’eau d’une retenue 25.000 m3 (10 piscines olympiques), creusée dans la montagne. L'armée libanaise et ses hélicoptères a même mené une bataille singulière, dans les années 2000 : attaquer à l’insecticide un « brouillard » de ravageurs, des tenthrèdes du cèdre, dont les larves avaient infesté les aiguilles, les faisant virer au rouge et pouvant tuer l’arbre. L’institut français Inra (Institut national de recherches agronomiques) s'est penché sur cet insecte mortifère et depuis 2004, rappelle le documentaire, c’est une lutte biologique qui se mène, grâce à des champignons qui mangent les larves des tenthrèdes.

De quoi éviter, si tout se passe bien, une catastrophe écologique. Quant à Youssef, qui aime à arpenter un plateau aride à 2850 mètres d'altitude et rend grâce au poète Khalil Gibran, lui-même originaire de Bécharré, son esprit a été conquis par un autre arbre encore. Parce que sa "présence ralentit la fonte des neiges et parce qu'il retient l'eau", parce que c’est une sorte de héros qui "résiste à tout", il veut sauver… le genévrier ! Une nouvelle bataille à mener.

1) Aujourd'hui à la direction du magazine Elle Oriental, à Beyrouth, elle a aussi écrit l’ouvrage « Le Cèdre du Liban », éditions Image 22.

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