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Biodiversité

La biodiversité trahie par son ADN

Le consortium "Vigilife" regroupant bureaux d’études, universités et organismes environnementaux utilise l’ADN environnemental pour déterminer la présence d’animaux dans l’environnement. Un premier test grandeur nature sur le Rhône a réservé quelques surprises.

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Prélèvement d'ADN environnemental

Prélèvement d'ADN environnemental.

Vincent Prié

PRÉLÈVEMENTS. Endémique de quelques petits affluents du Rhône, l’apron fait l’objet d’un draconien programme national de sauvegarde et de surveillance. Ce tout petit poisson ne fréquente en effet que les lits de graviers des rivières des bassins de l’Ardèche et de la Durance. Sa présence est attestée sur 250 kilomètres de cours d’eau. Toutes ces données jusqu’ici incontestées sur la rareté de l’apron vont devoir être revues. “On en a découvert dans le Rhône ,à Avignon”, révèle Vincent Prié, chercheur attaché au Muséum national d'histoire naturelle (MNHN) et directeur de projets chez Spygen, bureau d’études coordinateur du programme collaboratif Vigilife. Origine de la découverte : l’ADN environnemental (ADNe). “Ses traces génétiques étaient présentes dans les échantillons d’eau prélevées à hauteur d’Avignon, poursuit le chercheur. C’était tellement surprenant que nous avons effectué des plongées pour vérifier sa présence de visu.”

La présence de l’apron en dehors de ses zones de vie habituelles est un des résultats de l’analyse systématique par l’ADNe des eaux du Rhône et de la Saône avec un prélèvement analysé tous les dix kilomètres. Cette méthode permet ainsi de savoir qui vit et où dans ces bassins. Spécialiste des moules d’eau douce, Vincent Prié a ainsi fait progresser ses connaissances sur l’aire de répartition de la mulette épaisse Unio crassus. “Nous avions des observations de l’espèce dans le bassin amont de la Saône, et des signalements non vérifiés en Camargue qui nous faisaient douter de la fiabilité de cette affirmation, raconte Vincent Prié. En fait, l’ADNe nous apprend qu’elle est présente tout au long du cours du Rhône jusqu’au delta.” À rebours, la méthode marche aussi pour les espèces invasives. La moule quagga (Dreissena bugensis) arrivée d’Ukraine, détectée en Moselle en 2011 puis dans la Saône en 2016 a été trahie par son ADN tout au long du Rhône. Il faut s’attendre à ce qu’elle remonte vers la Garonne par le canal du Rhône à Sète et le canal du Midi. “Nous allons donner l’alerte” assure Vincent Prié.

L'ADNe fournit le microbiote du fleuve

L’ADNe fait donc la preuve de sa grande utilité pour détecter la présence des espèces dans des écosystèmes difficiles à explorer, qu’ils soient terrestres, aquatiques ou maritimes. Cette technique a vu le jour en 2008 avec les progrès de l’amplification de l’ADN qui permet de restaurer une empreinte génétique à partir de quelques fragments. La suite s’apparente à la police scientifique. Une fois l’ADN amplifié et séquencé, il est comparé à une base de données où figurent l’empreinte des espèces. Cette méthode est aujourd’hui utilisée par les gestionnaires des populations de cétacés ou les administrations de parcs nationaux ou encore, en France, par les agences de l’eau qui peuvent ainsi procéder à des inventaires de faune aquatique sans recourir à la pêche électrique. La technique peut même descendre à l’échelle des micro-organismes. “L’ADNe donne en quelque sorte le microbiote du fleuve, image Vincent Prié.

Sygen est cependant le premier bureau d’études à utiliser l’ADNe en routine pour ses travaux d’évaluation menés pour des gestionnaires d’espaces naturels. Cette “entreprise à mission” a créé une alliance internationale public/privé baptisée Vigilife comprenant des organismes de recherche comme le CNRS, l’École polytechnique de Zürich (Suisse), l’université Paul-Sabatier de Toulouse et des organismes de gestion comme l’Office français de la biodiversité et des entreprises. Ainsi, l’opération menée sur le Rhône a-t-elle été financée par CNR, le concessionnaire des centrales hydroélectriques installées sur ce fleuve.

Trente fleuves sentinelles dans le monde passés au crible de l'analyse egénétique

Cet échantillonnage systématique d’un cours sur plusieurs centaines de kilomètres a servi de test de faisabilité pour un programme plus ambitieux. Vigilife entend en effet utiliser la même procédure pour 30 fleuves dans le monde. Emblématiques de tous les milieux culturels et de tous les climats de la planète, ces "fleuves sentinelles" vont passer ainsi au crible de l’analyse génétique pour en découvrir l’intimité.

Colorado, Amazone, Congo, Nil bleu, Rhin, Gange, Yang-Tsé, Volga, les noms font rêver. Et leur réalité biologique devrait être à la hauteur de ces rêves. En attendant que les hommes finissent par leur donner une existence juridique avec des droits induits au respect de leur intégrité et de leur vie biologique ainsi que viennent de le faire la Nouvelle-Zélande, l’Inde, le Bangladesh et la Colombie.

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