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Animaux d'élevage

Où en est l'élevage d'animaux à fourrure en France ?

Alors que San Francisco a voté le 20 mars l'interdiction de la vente de fourrures nouvelles, Sciences et Avenir fait le point sur l'élevage d'animaux à fourrure dans l'Hexagone. 

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Lapin Orylag, France

La souche Orylag a été créée par l'Inra dans les années 70.

© XAVIER LEOTY / AFP

La ville californienne de San Francisco a voté le 20 mars 2018 l'interdiction de la vente de fourrures nouvelles, devenant la plus grande ville américaine à adopter une telle mesure pour protéger les animaux. Et en Hexagone ? Un sondage Ifop pour la Fondation 30 Millions d'amis indiquait en février 2018 que 86% des Français réclament la fermeture des élevages d'animaux à fourrure. "Près de 285.000 personnes ont déjà signé la pétition de la Fondation réclamant la fermeture des fermes à fourrure en Europe", rappelait 30 Millions d'amis. Interrogé par Sciences et Avenir, le ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation, en charge de ces élevages, s'est montré particulièrement évasif...

11 élevages en France en 2017

Ainsi, personne n'a été en mesure de répondre aux questions de Sciences et Avenir. Seul document nous ayant été délivré par la rue de Varenne : un tableau indiquant le "nombre d'exploitations avec élevage d'animaux à fourrure (visons, castors...)" en... 2010. Il y a donc 8 ans, la France comptait 285 élevages dont le plus grand nombre se situait dans les Midi-Pyrénées (36), en Bretagne (26) et en Aquitaine (25). Selon Christophe Marie, porte-parole de la Fondation Brigitte Bardot - dont la campagne contre la fourrure s'affiche depuis le 23 janvier 2018 sur les cars et des murs parisiens - une quinzaine d'élevages, uniquement dédiés à la fourrure, subsisteraient encore en France. Malgré ses requêtes auprès du gouvernement, l'association n'a pas non plus réussi à obtenir les chiffres réels. Cependant, "le nombre d’élevages est à la baisse et ne concerne que la production de visons bien qu'on ne parle pas ici des élevages de lapins ; ils concernent les filières viande et fourrure", explique le porte-parole de l'association.

Les élevages de visons et de lapins Orylag dans le viseur des associations

Contacté par Sciences et Avenir, c'est le Centre national d'information sur la fourrure qui se montre le plus précis. Il explique qu'en "2017, la France comptait 11 élevages de visons spécifiquement tournés vers la production de fourrures, et plus d’une vingtaine d’élevages de lapins élevés tant pour leur viande que pour leur fourrure". "En 2018, le nombre de ces élevages passera à 9 en raison de départs à la retraite d’éleveurs" dont 8 sont membres de la Fédération française des métiers de la fourrure et de l’Association des éleveurs de visons. "A ce titre, ils respectent les normes françaises et européennes sur l’élevage et sur la protection animale" et veillent à ce que les visons puissent s'accoupler naturellement, aient "la possibilité de construire un nid, et que les petits puissent demeurer auprès de leur mère dans leur jeune âge", assurent les professionnels. La Fondation Brigitte Bardot ne partage pas cet avis : "Ils sont élevés dans des conditions qui ne répondent nullement aux besoins biologiques de cette espèce semi-aquatique. Les visons sont enfermés dans des cages grillagées dépourvues de tout enrichissement, sans accès à l’eau", s'insurge Christophe Marie qui a réussi à photographier un élevage situé à Emagny, dans le Doubs.

© Fondation Brigitte Bardot

En décembre 2017, l'association L214 avait épinglé un élevage des lapins Orylag, une souche créée par l'Institut national de la recherche agronomique (Inra) dans les années 70 et dont le pelage est particulièrement doux. Dans un communiqué, L214 indiquait que ces animaux sont en "cage collective au début de leur vie, puis isolés dans des cages individuelles pendant plus de deux mois pour éviter tout accroc à leur fourrure" et qu'"ils ne voient jamais la lumière du jour". "Ce mode d’élevage est à l’origine de restrictions comportementales sévères, de blessures et de comportements stéréotypiques", poursuivait l'association.

"L'Orylag n'est pas un lapin de garenne, ni un animal de compagnie (...). Il a des caractéristiques qui lui sont propres. On ne peut pas en effet le mettre dehors ou en extérieur. A partir d'un certain âge, il faut le mettre en cage individuelle sinon ils se battent, il a un caractère agressif", avait réagi Jean Boutteaud, le président de la coopérative Orylag à Surgères (Charente-Maritime). De son côté, le Centre national d'information sur la fourrure accuse les "militants animalistes" de produire des vidéos "partielles et orientées, volontairement outrancières dans le seul but de choquer". "Dans le cas cette vidéo, une enquête de l’INRA a établi l’absence de mauvais traitements au sein de l’élevage, le bon état sanitaire des animaux et la présence d’un personnel formé attentif au bien-être animal". 

"La fourrure s’est démocratisée avec l’apparition des cols et capuches en fourrure"

Qui sont les clients ? Pour les lapins Orylag, on retrouve des marques de luxe (Dior, Fendi, Dolce & Gabbana). Mais le marché des vêtements avec de la fourrure a muté selon l'association. "Ce n’est plus réservé qu’à une catégorie 'privilégiée' avec des manteaux inabordables (même si ce marché existe toujours). La fourrure s’est démocratisée avec l’apparition des cols et capuches en fourrure et autres accessoires et vise une clientèle plus jeune". Par exemple, dans un article publié le 14 novembre 2016, Peta dénonçait l'utilisation de la fourrure par la marque de vêtement Canada Goose. Celle-ci propose des tenues spécialement confectionnées pour les "endroits les plus froids de la planète, là où la peau du visage peut geler instantanémentcomme l'indique la marque sur son site. Cependant, les produits Canada Goose sont désormais devenus un accessoire de mode notamment en France.

Selon la Peta, "les coyotes, (dont la fourrure sert à la confection de la capuche de la célèbre parka, produit phare de la marque) qui sont attrapés grâces à des pièges barbares, perdent leur sang, sont choqués, déshydratés, subissent des engelures, la gangrène et sont attaqués par des prédateurs". Des accusations démenties par la marque qui affirme être adepte du "piégeage sans cruauté". Elle défend également son choix en arguant que le coyote est utilisé "en raison de son abondance" et qu'en outre celui-ci est "considéré comme un animal nuisible dans de nombreuses régions d'Amérique du Nord parce qu'il s'attaque au bétail, à des espèces-proies en voie de disparition, aux animaux de compagnie et parfois même aux humains". 

Vers une interdiction des élevages d'animaux à fourrure ? Le gouvernement répond "non"

En octobre 2017, le ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation avait été interrogé par le député Joël Giraud (LREM) au sujet de l'élevage d'animaux à fourrure en France. "L'enfermement de ces animaux peut mener au cannibalisme, à l'obésité, à l'automutilation, à des comportements stéréotypiques ou encore à une prostration totale, signe de détresse. Pourtant il semblerait que des élevages reçoivent un accord favorable pour tripler leur capacité d'élevage", s'étonnait l'élu. Celui-ci demandait alors la fermeture de ces établissements : "Cette avancée éthique serait un symbole fort en faveur du bien-être animal et donnerait à la France un statut de pionnier en la matière".

Quelques jours plus tard, le ministère indiquait qu'"il n'est pas envisagé d'interdire les élevages d'animaux destinés à la production de fourrure" ajoutant que "les services du ministère chargé de l'agriculture sont particulièrement vigilants quant au respect des règles de protection animale dans ces élevages". Précisons à cet effet que la condition animale est portée comme une grand cause de 2018 par Nicolas Hulot, numéro 3 du gouvernement. Une tâche qui s'avère kafkaïenne car le ministère de la Transition écologique et solidaire, dont il a la charge, a fait valoir auprès de Sciences et Avenir que la question des élevages d'animaux à fourrure "n'était pas de son ressort".

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