Mardi 21 août, Arianespace placera en orbite le satellite Aeolus, de l'ESA, première mission spatiale destinée à la mesure des vents sur l’ensemble du Globe. Une mesure très attendue par la communauté scientifique pour améliorer les prévisions météorologiques et mieux comprendre les effets du changement climatique. Alain Dabas, responsable des activités de Météo-France concernant la mission spatiale Aeolus, nous explique les attentes des météorologues et l'intérêt des mesures du vent.

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    Aujourd'hui, de nombreuses variables climatiques liées à la météorologiemétéorologie sont observées. Pourtant, malgré les immenses progrès accomplis depuis la fin des années 1960, les observations disponibles ne suffisent pas à caractériser pleinement le temps qu'il fait, ce qui pénalise la qualité des prévisions météorologiquesprévisions météorologiques. Depuis les premiers satellites météorologiques, la fiabilité des prévisions jusqu'à cinq ou six jours a été grandement améliorée, mais pour aller au-delà les météorologistes ont un réel besoin de données sur le ventvent à l'échelle globale.

    Or, la mesure du vent à l'échelle de la planète n'est pas une mince affaire. S'il existe de nombreuses mesures à la surface, sur terre (stations météorologiques) ou sur mer (bouées, mesures depuis l'espace), l'observation du vent en altitude est plus rare, obtenue en quelques points du Globe grâce à des ballons-sondes, ou le long des routes aériennes à l'altitude de vol des avions, ou encore en calculant le déplacement des nuagesnuages entre images satellite successives. Une observation du vent plus fournie à l'échelle globale et sur toute la profondeur de l'atmosphèreatmosphère est nécessaire pour améliorer les prévisions.

    D'où l'intérêt d'Aeolus. Inédit, ce satellite embarquera un unique instrument, un lidar Doppler, capable de mesurer le vent sur l'ensemble du globe et sur toute la profondeur de l'atmosphère. Ses données seront utilisées en temps réel par les agences de prévisions météorologiques. Le lidar fournira également des informations sur les nuages et également sur les aérosolsaérosols, indispensables pour la prévision de la qualité de l'air.

     Le mouvement de l'air constitue la circulation générale de l'atmosphère, transportant la chaleur des régions équatoriales vers les pôles et renvoyant l'air plus frais vers les tropiques. La circulation atmosphérique dans chaque hémisphère est constituée de trois cellules : les cellules de Hadley, de Ferrel et polaires. Les champs de vent à grande vitesse, appelés « jets », sont associés à de grandes différences de température. © ESA, AOES Medialab

    Le mouvement de l'air constitue la circulation générale de l'atmosphère, transportant la chaleur des régions équatoriales vers les pôles et renvoyant l'air plus frais vers les tropiques. La circulation atmosphérique dans chaque hémisphère est constituée de trois cellules : les cellules de Hadley, de Ferrel et polaires. Les champs de vent à grande vitesse, appelés « jets », sont associés à de grandes différences de température. © ESA, AOES Medialab

    Alain Dabas, responsable des activités de Météo-France concernant la mission spatiale Aeolus, contribue personnellement au développement de la mission par la conception et la mise au point d'algorithmes de traitement des signaux du lidar Doppler. Il coordonne également les opérations de calibration-validation que les équipes de recherche françaises préparent et réaliseront une fois que le satellite sera en orbite.

    Qu’attendez-vous de la mission ? Va-t-elle améliorer la prévision météorologique ?

    Alain Dabas : La mission a d'abord été faite pour améliorer la prévision météorologique. Le vent avait en effet été identifié par l'Organisation Météorologique Mondiale (OMM) comme l'une des variables primaires de l'atmosphère dont l'observation était le plus susceptible d'améliorer la prévision.

    Le vent n’est pas correctement mesuré aujourd’hui ?

    Alain Dabas : Oui et non. Le vent est bien observé au sol et sur terre grâce à de nombreuses stations météorologiques qui échangent en permanence leurs informations via ce que nous appelons le Global Telecommunication System, à l'exception de certaines régions désertes comme l'Afrique saharienne. Il est bien observé aussi à la surface de la mer grâce à des bouées ou aux satellites équipes de diffusomètres tels que Ascat sur MetopMetop.
    Il existe en revanche beaucoup moins de données en altitudes provenant des radiosondages (généralement deux ou quatre fois par jour seulement sur un nombre très limité de stations), d'avions de lignes équipés (mesures essentiellement le long des routes aériennes et à l'altitude de vol), ou bien des satellites comme Météosat. Dans ce dernier cas, le vent est déduit de la mesure du déplacement des nuages entre images successives. Le problème est d'assigner la mesure à une altitude. Cela se fait grâce aux canaux infrarouge du satellite, avec des erreurs. Bref, il y a pas mal d'endroits en altitude où le vent n'est pas observé.

    Aeolus devrait combler ces vides ?

    Alain Dabas : Effectivement oui. Les spécifications de mesure (résolutionrésolution spatiale et précision) de la mission ont été fixées pour que ce soit le cas.

    Pourquoi les données d’Aeolus sont-elles particulièrement intéressantes sur les Tropiques et dans l’hémisphère sud ?

    Alain Dabas : Dans l'hémisphère sudhémisphère sud, le satellite apporte des données là où il y en a moins (moins de zones habitées, pays moins riches...). Sous les tropiquestropiques, non seulement on apporte des données là où il y en a moins, mais aussi là où elles ont plus de valeur. En effet, hors zone tropicale, il existe un équilibre entre le champ de pressionpression et le vent. On parle d'équilibre géostrophique. C'est lui qui fait que les vents tournent dans le sens trigonométrique autour des dépressions dans l'hémisphère nordhémisphère nord. Or, le champ de pression est assez bien connu et prévu. Sous les tropiques, cet équilibre ne fonctionne plus, on ne peut plus se servir de la pression pour avoir une idée de ce qu'est le vent, il faut aller l'observer directement. L'apport sur la prévision sera d'autant plus grand.

    Aeolus va-t-il significativement améliorer la précision des prévisions météorologiques ?

    Alain Dabas : Nous l'espérons. Les prévisions météorologiques ne seront jamais certaines car l'atmosphère est un système chaotique et donc aléatoire. À courte échéance (24 ou 48 heures par exemple), le caractère aléatoire est faible. C'est pour cela qu'on a l'habitude de présenter une prévision qualifiée de déterministe. Mais au-delà, plus on va loin dans les échéances, plus il convient de raisonner en termes statistiques. C'est qui est fait maintenant quand on associe un indice de confiance à une prévision. Cela dit, notre connaissance imparfaite de la physiquephysique atmosphérique et de l'état de l'atmosphère et les défauts et limites de nos modèles ajoutent de l'incertitude. Aeolus va aider à diminuer cette contribution.

    L’objectif de prévisions à 15 jours avec une qualité identique aux prévisions à 7 jours d’aujourd’hui sera-t-il atteint ?

    Alain Dabas : Il est assez difficile de quantifier en nombre de jours le gain de qualité de prévision apporté par Aeolus.

    Les données de ce satellite seront-elles utiles à d’autres domaines d’applications ?

    Alain Dabas : Oui. Aeolus va également servir aux études climatiques de plusieurs manières. En améliorant notre connaissance du champ de vent atmosphérique, il sera possible d'améliorer les modèles de climatclimat. Le vent intervient pas exemple dans la génération des poussières désertiques (arrachement de la poussière du sol). Mais Aeolus étant un lidar Doppler, il donne aussi une information sur la concentration des poussières qu'on appelle aérosols. Ces aérosols interviennent dans le système climatique en absorbant la lumièrelumière solaire, ou en servant de noyau de condensationnoyau de condensation pour la formation des nuages.

    Quelles sont les mesures qu’Aeolus ne réalisera pas et qu’il aurait été intéressant qu’il puisse les faire ?

    Alain Dabas : Aeolus ne pourra pas mesurer le vent au-dessous des nuages. Sa résolution horizontale de 90 km est également trop grossière pour donner des informations utiles sur certains écoulements (dans les vallées de montagne par exemple).