Le célèbre réseau de radiotélescopes Alma au Chili a permis de produire des images de Io, la lune volcanique de Jupiter, montrant pour la première fois les panaches s'élevant des volcans et permettant de les étudier pour comprendre non seulement l'intérieur de Io mais aussi l'impact de ses processus internes sur son atmosphère.


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    Il y a environ un an, la planétologue Julie Rathbun et ses collègues suggéraient qu'un des plus impressionnants volcansvolcans du Système solaire, l'un de ceux se trouvant sur la lune infernale de JupiterJupiter, IoIo, avait de bonne chance d'entrer en éruption. Cela promettait d'être spectaculaire et, sans doute, en partie observable avec les instruments de Juno puisque le volcan en question n'était autre que Loki Patera, associé à un lac de lavelave d'environ 200 kilomètres de diamètre.

    Rappelons qu'on a déjà repéré plus de 150 volcans actifs sur Io et, selon ce décompte, on peut estimer qu'il en existe au moins 400. Ainsi, Rosaly Lopes, célèbre planétologue et volcanologuevolcanologue de la Nasa à qui l'on doit plusieurs livres sur les volcans, dont un préfacé par Arthur Clarke lui-même, a découvert 71 volcans actifs, de 1996 à 2001 lors de la mission GalileoGalileo.

    Dans le cas de Loki Patera, Julie Rathbun et ses collègues, de leur côté, s'étaient basés sur les observations disponibles pour établir une périodicité d'environ 540 jours pour des éruptions durant environ 230 jours concernant ce volcan. La périodicité avait ensuite disparu avant qu'une nouvelle, de 475 jours environ, s'établisse à partir de 2013. Les pics dans le rayonnement infrarouge trahissant les éruptions de Loki durant, cette fois-ci, environ 160 jours.


    La Terre nous offre déjà de somptueux spectacles avec ses éruptions volcaniques. On ne peut que rêver de ceux de Io en attendant une mission qui leur serait consacrée. © Patrick Marcel

    Mais lorsqu'elle avait envisagé une nouvelle éruption pour la fin de l'année 2019 ou au milieu de l'année 2020, la volcanologue planétaire était restée prudente, rappelant que « Loki a été nommé d'après un dieu tricheur... Au début des années 2000, une fois que le cycle de 540 jours avait été mis en évidence, le comportement de Loki avait changé et il n'a plus manifesté de comportement périodique jusqu'en 2013 ».

    Nous n'avons hélas pas vu de regain d'activité pour Loki Patera mais les planétologues continuent d'étudier avec attention le volcanismevolcanisme de Io et ses conséquences sur la planète. Ainsi, une autre célèbre spécialiste de Io à qui l'on doit un excellent livre sur les sciences planétaires, dont une version est libre de téléchargement, Imke de Pater de l'Université de Californie à Berkeley, vient de publier avec ses collègues un article dans The Planetary Science Journal que l'on peut consulter sur arXiv.

    L'atmosphère de Io, une clé de l'étude de l'intérieur de cette lune

    De même que l'Atacama Large Millimeter/submillimeter Array (Alma) a été utilisé pour étudier l’atmosphère de Vénus à la recherche de traces de la molécule de phosphine, les planétologues peuvent se servir de ce réseau de radiotélescopes pour étudier, dans le domaine submillimétrique des longueurs d'onde électromagnétiquesonde électromagnétiques, les moléculesmolécules de l'atmosphèreatmosphère de Io et finalement son atmosphère elle-même, bien qu'elle soit un milliard de fois plus mince que l'atmosphère terrestre.

    Cette vidéo montre des images de la lune Io de Jupiter en radio (réalisée avec Alma) et en lumière visible (réalisées avec les missions Voyager 1 et Galileo). Les images d'Alma ont été prises lorsque Io est passée dans l'ombre de Jupiter en mars 2018 (éclipse), et de l'ombre de Jupiter à la lumière du Soleil en septembre 2018. Ces images radio montrent pour la première fois des panaches de dioxyde de soufre (en jaune) s'élevant des volcans sur Io. © Alma (ESO, NAOJ, NRAO), I. de Pater et al. ; NRAO, AUI NSF, S. Dagnello ; Nasa

    La dynamique et la composition chimique de l'atmosphère de la lune volcanique de Jupiter nous renseignent sur la dynamique interne de la planète puisque c'est elle qui produit son volcanisme en réponse aux forces de maréeforces de marée dans le système jovienjovien. On pense maintenant que les forces de marée de Jupiter ne sont pas majoritairement à l'origine du chauffage de Io mais que ce sont plutôt celles de ses autres lunes principales. Si l'on sait que la composition de cette atmosphère est dominée par du dioxyde de soufresoufre gazeux et d'autres composés soufrés qui gèlent à la surface de Io en lui donnant ses couleurscouleurs jaune-blanc-orange-rouge, Imke de Pater précise tout de même dans un communiqué du National Radio Astronomy Observatory que : « on ne sait pas quel processus domine la dynamique de l'atmosphère d'Io. Est-ce l'activité volcanique ou un des gazgaz qui s'est sublimé de la surface glacée lorsque Io est au SoleilSoleil ? ».

    Une atmosphère à la dynamique dominée par les éruptions

    Pour le savoir et départager différentes hypothèses on peut utiliser les observations d'Alma à l'occasion de l'entrée et de la sortie de Io dans l'ombre de Jupiter, comme l'explique Statia Luszcz-Cook de l'Université ColumbiaColumbia (New York) : « lorsque Io passe dans l'ombre de Jupiter et qu'elle n'est pas exposée à la lumièrelumière directe du soleil, il fait trop froid pour le dioxyde de soufre, et il se condense sur la surface d'Io. Pendant ce temps, nous ne pouvons voir que du dioxyde de soufre d'origine volcanique. Nous pouvons donc voir exactement quelle proportion de l'atmosphère est affectée par l'activité volcanique ».

    L'analyse des spectresspectres quantiques correspondant aux molécules révélées par les observations d'Alma a permis non seulement d'étudier le monoxyde (SO) et dioxyde de soufre (SO2) dans l'atmosphère de Io mais aussi leur libération sous forme de panaches volcaniques. Il est alors apparu que les volcans produisaient directement de 30 à 50 % de l'atmosphère d'Io.


    À quoi pourrait bien ressembler le spectacle à la surface de Io. Quelques éléments de réponse aussi dans cette vidéo. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © BBC Earth

    Les molécules soufrées n'ont pas été les seules détectées par Alma. Les planétologues ont ainsi mis en évidence des panaches de gaz contenant du chlorure de potassiumpotassium (KCl). Toutefois, on ne trouve pas de SO2 ni de SO dans ces panaches ce qui implique que, comme sur Terre, il existe des différences chimiques entre les magmasmagmas des chambres magmatiqueschambres magmatiques sous les volcans de Io. Il est clair par exemple que ceux sous l'Ol doinyo Lengaï sur notre Planète bleue ne sont pas les mêmes que ceux à l'origine de l'activité du Mayon.

    Nous disposons donc d'une fenêtrefenêtre sur la chimiechimie, la minéralogie et la physiquephysique à l'intérieur de Io de sorte qu'« en étudiant l'atmosphère et l'activité volcanique d'Io, nous en apprenons davantage sur les volcans eux-mêmes, mais aussi sur le processus de chauffage des forces de marée et sur l'intérieur d'Io », explique don Luszcz-Cook.