Messier 4 est un amas globulaire dans la constellation du Scorpion. Il peut facilement être observé avec des jumelles, à proximité de la brillante étoile rouge Antarès, et avec un petit télescope d'amateur on peut voir quelques-unes de ses étoiles. Mais pour plonger en son cœur il a fallu le regard perçant du télescope Hubble qui révèle aujourd'hui qu'il contient peut-être le plus proche trou noir de masse intermédiaire connu.


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    On se souvient qu'en 2020 l'Académie suédoise a décerné le prix Nobel de physique à Andrea Ghez et Reinhard Genzel « pour la découverte d'un objet compact supermassif au centre de notre Galaxie ». La formulation exacte est d'importance, car si la majorité des astrophysiciensastrophysiciens pensent que cet objet et bel et bien un trou noir supermassif, ce qui n'a pas été démenti, bien au contraire, par les observations de la collaboration Event Horizon Telescope, nous n'en avons pas encore une preuve certaine, mais peu s'en faut. Plus généralement, il est raisonnable de penser que cette preuve viendra de l’étude des ondes gravitationnelles.

    Les deux chercheurs et les équipes de leurs collaborateurs sont arrivés à la découverte de cet objet compact en étudiant pendant plus d'une décennie les mouvements des étoiles proches du centre de la Voie lactée, en orbiteorbite autour d'une mystérieuse source d'ondes radio nommée Sgr A*Sgr A*. Cette source se trouve donc être associée à une distribution de massemasse compacte dans un volumevolume qui selon les équationséquations de la relativité généralerelativité générale en font un trou noir d'un peu plus de 4 millions de masses solaires. En effet, cet objet ne rayonne pas par lui-même et les ondes électromagnétiquesondes électromagnétiques que l'on détecte viennent de la matièrematière entourant cet astreastre compact.


    Cette simulation figure les orbites d’un petit groupe d’étoiles situées à proximité du trou noir supermassif au centre de la Voie lactée. Au cours de l’année 2018, l’une de ces étoiles, baptisée S2, passa tout près du trou noir et fut l’objet d’une intense campagne d’observations au moyen des télescopes de l’ESO. Son comportement fut conforme aux prédictions de la théorie de la relativité générale d’Einstein – incompatible en revanche avec la théorie de la gravitation de Newton. © ESO, L. Calçada, spaceengine.org

    Une loi universelle pour la taille des trous noirs ?

    En fait, on pense depuis la fin des années 1960 et les observations n'ont fait que renforcer cette thèse, qu'il existe au cœur de toutes les grandes galaxies des trous noirs supermassifstrous noirs supermassifs contenant au moins un million de masses solaires. On constate aussi que la masse des trous noirs détectés est très souvent proportionnelle à la masse de la galaxie hôte.

    On sait aussi que dans la Voie lactée se trouvent de nombreux trous noirs d'une dizaine de masses solaires tout au plus chacun, le plus souvent. Certains chercheurs se sont donc demandé si la loi de proportionnalité observée dans les grandes galaxies ne pouvait pas être aussi valable pour des galaxies nainesgalaxies naines et aussi les amas globulairesamas globulaires.

    Si tel est le cas, il devrait exister des trous noirs dits de masses intermédiaires contenant en gros entre une centaine de masses solaires et un million de masses solaires. On traque ces objets et on connaît quelques candidats en dehors de notre Galaxie comme 3XMM J215022.4−055108, que le télescopetélescope HubbleHubble a découvert en 2020, et HLX-1, identifié en 2009. Ils résident dans des amas d'étoiles denses à la périphérie d'autres galaxies. Chacun de ces trous noirs possibles a la masse de dizaines de milliers de soleilssoleils et certains des amas, où ils sont observés, étaient peut-être les noyaux de galaxies naines aujourd'hui disparues, disloquées par les forces de maréeforces de marée de galaxies dont elles sont passées trop près.

    Aujourd'hui, comme le montre un article publié dans Monthly Notices of the Royal Astronomical Society par une équipe de chercheurs menée par l'astronomeastronome Eduardo Vitral du Space Telescope Science Institute de Baltimore, Maryland aux États-Unis, c'est encore le télescope Hubble qui livre des observations laissant penser que les trous noirs intermédiaires existent bel et bien. Surtout, ces observations concernent la Voie lactée puisqu'elles portent sur les mouvements des étoiles dans l'amas globulaire Messier 4 (M4) qui n'est qu'à environ 7 000 années-lumièreannées-lumière du Système solaireSystème solaire.


    Cette vidéo commence par une large vue des spectaculaires parties centrales de la Voie lactée. Nous nous rapprochons de la constellation du Scorpion. À proximité de son étoile la plus proche, Antarès, se trouve l'amas globulaire Messier 4, l'un de ces systèmes stellaires les plus proches de la Terre. Les images détaillées du cluster de la fin de cette vidéo proviennent de la caméra WFI sur le télescope MPG/ESO de 2,2 mètres à l'Observatoire de la Silla de l'ESO au Chili, avec pour finir une image rapprochée de la région centrale réalisée par le télescope spatial Nasa/ESA Hubble. © ESO-ESA-Nasa, Digitized Sky Survey 2, Nick Risinger (skysurvey.org)

    Le plus proche amas globulaire du Soleil

    Encore appelé NGCNGC 6121 et situé dans la constellation du Scorpionconstellation du Scorpion, M4 est en fait l'amas globulaire le plus rapproché du Soleil. Il a été découvert par l'astronome suisse Jean Philippe Loys de Cheseaux en 1746. Eduardo Vitral et ses collaborateurs suggèrent maintenant qu'il contient un astre compact contenant environ 800 masses solaires. Là encore, compte tenu du mouvement des étoiles qui l'entourent, ce doit être un trou noir et en l'occurrence un trou noir de masse intermédiaire.

    Après plus de 12 années d'observations, les astrophysiciens sont arrivés à cette conclusion en éliminant d'autres hypothèses alternatives pour un astre compact, comme une concentration d'étoiles à neutronsétoiles à neutrons ou de trous noirs stellairestrous noirs stellaires produits par l'effondrementeffondrement d'étoiles. La haute résolutionrésolution pour les images prises par Hubble a été nécessaire pour accomplir cet exploit en permettant d'observer des étoiles ponctuelles en orbite et de faire des mesures précises de leurs positions et vitessesvitesses alors que l'amas contient un grand nombre d'étoiles dans un volume ayant un rayon de seulement 35 années-lumière.

    Dans un communiqué de la NasaNasa, Eduardo Vitral précise à ce sujet : « Nous sommes convaincus que nous avons une très petite région avec beaucoup de masse concentrée. Elle est environ trois fois plus petite que la masse noire la plus dense que nous ayons trouvée auparavant dans d'autres amas globulaires. La région est plus compacte que ce que nous pouvons reproduire avec des simulations numériquessimulations numériques lorsque nous prenons en compte une collection de trous noirs, d'étoiles à neutrons et de naines blanchesnaines blanches ségrégées au centre de l'amas. Ils ne sont pas capables de former une concentration de masse aussi compacte. »

    Le même communiqué précise également : « Un regroupement d'objets étroitement liés serait dynamiquement instable. Si l'objet n'est pas un seul trou noir de masse intermédiaire, il faudrait environ 40 trous noirs plus petits entassés dans un espace d'un dixième d'année-lumière seulement pour produire les mouvements stellaires observés. Les conséquences sont qu'ils fusionneraient et/ou seraient éjectés dans un jeu de flipper interstellaire. »


    Une présentation de la découverte faite avec Hubble concernant M4. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Nasa's Goddard Space Flight Center; Lead Producer: Paul Morris; Computer Representation of the Stellar Motions in the Core of M4: Mattia Libralato (AURA/STScI for ESA)