Détecter les zones d’accumulation des déchets plastique le long des côtes, notamment après des épisodes de très fortes pluies, est important si l’on souhaite pouvoir les collecter avant qu’ils ne partent plus loin dans l’océan. Une IA a été développée dans ce sens pour traquer ces déchets à partir de données satellite.


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    Près de 200 millions de tonnes. Voilà le chiffre hallucinant que représente la quantité de déchets plastiques de toutes sortes qu'abritent désormais les océans du globe. Sans compter les microparticules. Un chiffre qui devrait d'ailleurs continuer à augmenter dans les futures décennies. Selon la Fondation Ellen MacArthur, ce sont en effet environ 8 millions de tonnes qui sont rejetées chaque année à la mer. Un poids qui pourrait quadrupler d'ici 2050 si aucune mesure drastique n'est prise pour réduire cette pollution.

    Des millions de tonnes de plastique se retrouvent à la mer chaque année. © Richard Carey, Adobe Stock
    Des millions de tonnes de plastique se retrouvent à la mer chaque année. © Richard Carey, Adobe Stock

    Identifier rapidement les zones d’accumulation des déchets plastiques

    Mais où vont tous ces déchets ? Seul 1 % flotterait en surface, tandis qu’une grande partie finirait échouée sur le littoral. Le reste se décomposerait en microparticules avant de se déposer sur le fond. Si cette dernière part est considérée comme irrécupérable, celles flottant en surface ou accumulées sur les côtes peuvent être ramassées, notamment par bateau.

    Pour aider à identifier les zones de l'océan où se concentrent les déchets plastiques, des chercheurs ont ainsi développé une méthode de détection automatique basée sur une intelligence artificielleintelligence artificielle et utilisant les images acquises par le satellite Sentinel-2. Les résultats de cette étude ont été publiés dans la revue iScience.

     

    Déchets plastiques flottant dans le port de Durban en Afrique du Sud à la suite de fortes précipitations. © Ash Erasmus
    Déchets plastiques flottant dans le port de Durban en Afrique du Sud à la suite de fortes précipitations. © Ash Erasmus

    Une IA entraînée à détecter les déchets plastique sur des images satellite

    Traiter manuellement cette imposante base de donnéesbase de données était en effet irréalisable, d'autant plus que de nombreuses images sont occultées par la présence de nuages. Les scientifiques ont ainsi « entraîné » un algorithme à reconnaître de façon automatique les déchets en plastique flottant en surface, même dans de mauvaises conditions atmosphériques. Ce dernier point est d'ailleurs important, car les épisodes d'inondations ou de très fortes pluies sont à l'origine du transport d'importantes quantités de plastiques. Pouvoir rapidement identifier les zones d'accumulation de déchets au moment de ces épisodes météorologiques est donc primordial si l'on veut pouvoir les récupérer avant qu'ils ne partent plus loin dans l'océan.


    Un satellite pour surveiller les déchets plastique

    Depuis plusieurs mois, le satellite Sentinel 3A, de l'Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne, sert à une expérience audacieuse : tenter d'observer depuis l'orbiteorbite les déchets en plastique qui jonchent les océans de la planète. Si l'essai est concluant, les satellites Sentinelsatellites Sentinel 3 seront mobilisés pour cette tâche jusqu'à ce que l'ESA décide -- mais ce n'est pas certain -- de construire un satellite dédié.

    Article de Rémy DecourtRémy Decourt publié le 22 mars 2018

    Chaque seconde, 100 tonnes de déchets, sur les 4 milliards produites annuellement, finissent en mer, dont une grande partie est constituée de matière plastiquematière plastique. Certains n'hésitent pas à parler de septième continent pour désigner les accumulations de ces débris flottants dans le nord de l'océan Pacifique. Piégés par les courants marins, ils couvriraient une superficie plus grande que celle de la France - soit près de 640.000 km2 !

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    Objets flottants ou microparticules, ces déchets en plastique se déposent sur les plages, se dispersent en mer et se retrouvent sur les fonds marins. Ils mettent en danger les animaux marins mais aussi les humains puisque ces déchets pénètrent dans la chaîne alimentairechaîne alimentaire. Ils constituent désormais un défi mondial avec des conséquences à long terme inconnues.

    Depuis le mois de septembre 2017, l'Agence spatiale européenne teste la détection de ces déchets en plastique depuis Sentinel 3A, en orbite autour de la Terre à près de 800 kilomètres d'altitude. Ce satellite a la particularité d'observer la couleur de l’eau, seul moyen d'étudier la subsurface des océans. C'est indispensable, car là se trouve l'essentiel du phytoplancton, ces minuscules végétaux marins à la base de la chaîne alimentaire océanique. Les mesures de couleurcouleur permettent d'en estimer la concentration et de la suivre dans le temps et l'espace.

    Concentrations des déchets en plastique dans les eaux de surface à l'échelle mondiale avec un zoom sur la mer Méditerranée. Chaque point de couleur indique une concentration, en grammes de déchets par kilomètre carré. © Cozar <em>et al.</em>, <em>Plastic Accumulation in the Mediterranean Sea</em>
    Concentrations des déchets en plastique dans les eaux de surface à l'échelle mondiale avec un zoom sur la mer Méditerranée. Chaque point de couleur indique une concentration, en grammes de déchets par kilomètre carré. © Cozar et al.Plastic Accumulation in the Mediterranean Sea

    L'idée de l'ESA et de ses partenaires sur ce projet, Argans Limited en France et Plymouth Marine Laboratory au Royaume-Uni, est de voir si Sentinel 3A peut discerner ces déchets en plastique. Comme le souligne Paolo Corradi, en charge du projet à l'ESA, « nous ne parlons pas de repérer des déchets flottants, mais plutôt d'identifier une signature spectrale du plastique prélevée sur orbite, de la même manière qu'un logiciellogiciel de traitement peut aujourd'hui détecter des concentrations de phytoplancton, de sédimentssédiments en suspension et de pollution hydrique ». L'idée est moins saugrenue qu'il y paraît. Chaque type de plastique présente en effet une sorte d'empreinte digitaleempreinte digitale spécifique, utilisée dans l'industrie du recyclagerecyclage pour trier les articles en plastique à partir d'autres déchets sur un tapis roulanttapis roulant.

    Il reste à évaluer les besoins et les technologies

    D'un point de vue scientifique, ces observations depuis l'espace serviront à tracer une carte mondiale en temps réel, montrant les concentrations de plastique dans les océans. Par rapport aux simulations, réalistes, ces cartes basées sur des mesures réelles fourniront néanmoins des informations bien plus significatives à la communauté scientifique et aux pouvoirs publics.

    Demain, l'ESA pourrait décider de construire un satellite dédié à cette tâche, observant dans l'infrarougeinfrarouge. D'où cette expérimentation dont Paolo Corradi attend qu'elle donne une « idée du type de concentration de déchets marins visible depuis l'espace en utilisant la technologie actuelle », ou bien si cela n'est finalement pas possible depuis l'orbite. Il faudrait alors « utiliser des avions ou des drones ».

    Ce n'est pas la première fois qu'un satellite est utilisé pour observer des déchets en plastique marins. Par exemple, à partir des données de satellites, sont tracées des cartes des courants océaniques permettent de simuler l'accumulation de déchets dans de vastes gyresgyres dans les océans Atlantique, Indien et Pacifique.