Un phénomène climatique situé sur un continent très lointain peut influencer le temps d'un pays situé à l'autre bout du monde, et donc, éventuellement déclencher une catastrophe météo. Une nouvelle étude explique que des « téléconnexions » existent entre certains phénomènes météo extrêmes à travers le monde.


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    Une canicule en Amérique du Sud peut-elle avoir un impact sur les températures à l'autre bout du monde, en Asie par exemple ? Oui, selon une équipe de chercheurs internationaux qui a travaillé sur les liens entre les différents points de basculement climatique. Il s'agit de seuils à ne pas franchir. S'ils basculent, ils auront des conséquences irréversibles sur notre Planète. Parmi ces points de basculement, on trouve par exemple la fontefonte des glaces du Groenland, ou encore la disparition des récifs coralliens et de la forêt amazonienne. L'étude publiée dans la revue Nature, début janvier, affirme qu'ils ont chacun des liens entre eux, en s'influençant, même s'ils sont très éloignés géographiquement. Un événement climatique qui se produit dans une région du monde pourrait donc avoir un impact à l'autre bout de la Planète.

    Il existerait des liens climatiques sur plus de 20 000 kilomètres

    Pour comprendre ces corrélations étonnantes, l'Université Normale de Pékin a analysé des données météométéo de 1979 à 2019. Parmi tous les points de basculement, les chercheurs ont décidé de principalement se focaliser sur les conséquences de la dégradation de la forêt amazonienne : tout simplement, car il s'agit d'une région très dégradée par les activités humaines, mais aussi parce que son importance est capitale pour la séquestration du CO2. Il s'agit d'un puits de carbone majeur, qui joue un rôle évident dans la lutte contre le réchauffement climatique. Malheureusement, en raison de la déforestation et du changement climatique, l'Amazonie s'assèche dangereusement. Disparition, dégradation et fragmentation des grandes forêts du monde (Amazonie, Australie, Asie ou encore Afrique) font partie des points de basculement qui sont capables de modifier le fonctionnement climatique de notre Planète.

    La déforestation de la forêt amazonienne contribue à la sécheresse galopante de la région. © Marizilda Cruppe, <em>Rede Amazônia Sustentáve</em>
    La déforestation de la forêt amazonienne contribue à la sécheresse galopante de la région. © Marizilda Cruppe, Rede Amazônia Sustentáve

    Les scientifiques qui ont mené l'étude expliquent que tous les points de basculement sont reliés sur de grandes distances, d'un continent à l'autre, même si nous n'arrivons pas encore à les comprendre. Parmi ces liens, ils ont repéré ce qu'ils appellent des « téléconnexions » très nettes qui s'étalent sur 20 000 kilomètres : de l'Amérique du Sud (où se situe la forêt amazonienne), à l'Afrique du Sud, jusqu'au Moyen-Orient, puis jusqu'au plateau tibétain. Il y aurait ainsi une corrélation évidente entre la perte de couverture de glace du plateau tibétain et la dégradation de la forêt amazonienne liée aux activités humaines, liée à la circulation atmosphériquecirculation atmosphérique et océanique, déterminante pour le fonctionnement du climatclimat et de la biodiversitébiodiversité sur TerreTerre.

    Les scientifiques ont découvert que les extrêmes météo des deux zones les plus éloignées de cette circulation, étaient complètement liés : lorsqu'il fait anormalement chaud en Amazonie, il fait également anormalement chaud au Tibet ! Cependant, le lien est différent en ce qui concerne les précipitationsprécipitations : quand les pluies sont abondantes en Amazonie, il y a par contre moins de neige au Tibet. Avec l'AntarctiqueAntarctique également, les téléconnexions sont les mêmes : la chaleurchaleur en Amazonie est suivie de températures anormalement élevées dans l'ouest de l'Antarctique et de fortes pluies en Amazonie sont associées avec un temps plus sec en Antarctique.   

    En rouge, la téléconnexion dont parle l'étude entre l'Amazonie, l'Antarctique et le Tibet. En jaune, les autres connexions qui sont jugées très probables. © Nature Climate Change
    En rouge, la téléconnexion dont parle l'étude entre l'Amazonie, l'Antarctique et le Tibet. En jaune, les autres connexions qui sont jugées très probables. © Nature Climate Change

    Des liens qui ne font pas encore l'unanimité, mais qui ouvrent de nouveaux champs de possibles  

    À la publication de cette étude dans Nature, certains scientifiques se sont montrés sceptiques sur les conclusions de l'Université Normale de Pékin, d'autres climatologuesclimatologues jugent en effet que la surface occupée par l'Amazonie est trop petite pour avoir une si grande influence. Mais si les conclusions de l'étude ont vu juste, alors l'analyse des chercheurs chinois ouvre un immense champ de possibles concernant les connexions à travers le monde. Chacun a en effet pu remarquer que les catastrophes naturellescatastrophes naturelles, ou tout simplement les extrêmes météo en températures et précipitations, se produisent souvent en série, même s'ils ont lieu sur différents continents. L'étude sur les conséquences de la dégradation de l'Amazonie ne fait pas encore l'unanimité, mais d'autres connexions météorologiques un peu moins éloignées sont suspectées depuis de nombreuses années : la fonte des glaces en ArctiqueArctique et son influence sur la circulation des courants atlantiques, qui ensuite dirige en partie les conditions météo en Amérique du Sud. D'autres restent encore à prouver, même si le lien semble se confirmer de plus en plus, comme l'étendue des surfaces enneigées en Sibérie et son impact sur le risque de vague de froid en Europe de l'Ouest.

    De nombreuses connexions climatiques sont jugées très probables dans le monde, en particulier l'impact des surfaces englacées ou enneigées sur les conditions météo d'autres régions éloignées. © ingusk, Adobe Stock
    De nombreuses connexions climatiques sont jugées très probables dans le monde, en particulier l'impact des surfaces englacées ou enneigées sur les conditions météo d'autres régions éloignées. © ingusk, Adobe Stock

    L'étude des différentes connexions climatiques à travers le monde n'en est qu'à ses débuts. Mais elle permet déjà de réaliser que la dégradation d'une zone géographique qui nous paraît très éloignée peut avoir un impact direct sur la zone dans laquelle nous vivons également. Les chercheurs parlent d'un véritable « effet domino ». Les émissionsémissions de carbone, et la destruction des terres naturelles, n'ont pas de frontières.